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Affichage des articles du janvier, 2022

Saint-Just piéton de Paris

La Bibliothèque nationale de France a lancé récemment l'application en ligne Jadis qui permet de consulter trois cent cinquante cartes de Paris en les rapportant aux rues actuelles de la capitale. Comme la plus ancienne des cartes numérisées date de 1760, j’ai eu l’idée de « remonter le temps » pour voir quels trajets Saint-Just a pu faire dans le Paris de la Révolution. Saint-Just lui-même, d’ailleurs, nous y invite quand, dans le Discours sur les subsistances du 29 novembre 1792, il déclare qu’il lui arrive fréquemment de se « promen[er] » dans Paris [1] . Le trajet que Saint-Just a le plus souvent emprunté entre 1792 et 1794, après son élection comme représentant du peuple, est certainement celui que le menait de son domicile à la salle des séances de la Convention nationale ou au Comité de salut public, dans le pavillon de Flore du palais des Tuileries. Jusqu’au 9 mai 1793, les débats de la Convention eurent lieu dans la salle du Manège qui avait déjà été la salle des séan

Saint-Just moraliste : le portrait de l’homme révolutionnaire

Mon précédent billet citait le passage du Discours sur la Constitution de la France (24 avril 1793) dans lequel Saint-Just dépeint l’homme que produit le pouvoir monarchique, « monstre » endurci par ses malheurs et ne vivant « que pour tromper ou que pour l’être ». On trouve dans son dernier grand rapport, celui du 26 germinal an II (15 avril 1794), le pendant lumineux de la sinistre description des individus élevés sous l’Ancien Régime : le portrait de l’homme révolutionnaire, « héros de bon sens et de probité ». Voici ce portrait, reproduit sans coupure : « Un homme révolutionnaire est inflexible, mais il est sensé, il est frugal ; il est simple sans afficher le luxe de la fausse modestie ; il est l'irréconciliable ennemi de tout mensonge, de toute indulgence, de toute affectation. Comme son but est de voir triompher la Révolution, il ne la censure jamais, mais il condamne ses ennemis sans l'envelopper avec eux ; il ne l'outrage point, mais il l'éclaire ; et, jalou

« L’art de gouverner n’a presque produit que des monstres »

Les sentences que Saint-Just plaçait dans ses discours ont été remarquées dès la Révolution, plusieurs d’entre elles devenant immédiatement célèbres. Parmi les phrases les plus citées se trouve la sentence « L’art de gouverner n’a presque produit que des monstres », qui est souvent reproduite en oubliant l’adverbe ( « L’art de gouverner n’a produit que des monstres » ) mais, surtout, en commettant un contresens. C’est le cas dans le récent ouvrage Saint-Just & des poussières d’Arnaud Maïsetti qui voit dans la phrase du Conventionnel une preuve de « sa méfiance à l’égard du pouvoir ». Cet auteur ne fait d’ailleurs que reproduire ce qu’ont écrit avant lui des spécialistes de philosophie ou de science politique : Michel Senellart, par exemple, a considéré que cette sentence dénonçait « les stratagèmes d’un pouvoir sans scrupules »  [1] . Pour ces commentateurs, les « monstres » dont il est question dans la phrase de Saint-Just seraient les gouvernants, dont il entendrait fustiger les