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Paris en fête pour la victoire de Fleurus: la journée du 11 messidor an II

Nous avons vu dans un précédent billet que Saint-Just revint à Paris, après la bataille de Fleurus, dans la nuit du 10 au 11 messidor an II (28 au 29 juin 1794). Au cours de sa séance du 11 messidor, la Convention nationale décréta qu’un concert gratuit serait donné le soir même par l’Institut national de musique pour célébrer cette victoire contre les Autrichiens et leurs alliés. Pour cette occasion, Écouchard-Lebrun et Catel composèrent, à partir de l’Ode patriotique sur les événements de 1792 que Lebrun avait écrite quelques temps auparavant, une première version de l’Hymne à la Victoire, sur la bataille de Fleurus.

Saint-Just était-il présent au Jardin national – le nom révolutionnaire du jardin des Tuileries – le 11 messidor an II lorsque ce chant qui devait devenir l’Hymne à la Victoire, sur la bataille de Fleurus fut interprété pour la première fois ? Si la fatigue des journées précédentes ne l’avait pas forcé à se coucher tôt, voici la fête à laquelle il put participer ou, du moins, qu’il put entendre depuis les bureaux du Comité de salut public, d’après le récit très vivant de La Décade philosophique, littéraire et politique [1] :

« Lorsque que la nuit fut venue, le Palais national [le Louvre] fut illuminé dans l'espace d'un instant. Le dôme du milieu portait un couronnement de lampions, au-dessus duquel flottait l’étendard tricolore. Les barres de fer qui le soutiennent, échappant à l'œil dans l'obscurité, et les ondulations de l'étendard recevant seules les clartés de l’illumination, il semblait à chaque instant descendre du ciel. 

    Mais bientôt l’estrade [2] fut couverte de musiciens, dont les accords retentirent au travers du silence du peuple nombreux. On chanta en cœur la strophe de Lebrun : Soleil, témoin de la victoire, / Applaudis nos brillants succès ; / Sois fière d'éclairer des Français, / Répands tes feux et notre gloire, etc. 

   C'est Catel qui en avait fait la musique. Ensuite on entonna la belle ode de Desorgues à l'Être suprême. Ce fut une action de grâces à lequel tous les cœurs prirent part. Les danses et les chants d'allégresse se prolongèrent fort avant dans la nuit, qui offrit ce soir-là un ciel semé d’étoiles et la plus douce température. »

    C'est d'ailleurs dès le matin du 11 messidor que Saint-Just dut ressentir l'atmosphère spéciale de cette journée. Le même journal rapporte en effet que « le bruit de la victoire se répandit dans le peuple » dès les premières heures de la journée, les Parisiens cherchant à obtenir des informations auprès de ceux qui avaient assisté à la séance de la Convention. Il ajoute que les promeneurs se pressaient autour des drapeaux enlevés aux forces coalisées et que l'air bruissait de commentaires élogieux sur le courage des soldats ayant combattu à Fleurus. Saint-Just ne put qu'être frappé par le contraste entre l'atmosphère de fête qui régnait à Paris le jour de son retour et le climat très dégradé au Comité de salut public qu'il évoque à demi-mot dans le Discours du 9 Thermidor.

 


[1] Numéro du 20 messidor an II, p. 477-478.

[2] Il s’agit de la grande estrade qui avait été installée devant le Palais pour la Fête de l’Être suprême le 20 prairial an II (8 juin 1794). Le matin du 11 messidor, son pourtour avait été décoré avec les drapeaux pris à l’ennemi à Fleurus.