L’Esprit de la Révolution et de la Constitution de France est un essai de près de deux cents pages que Saint-Just publia fin mai ou début juin 1791. Rarement étudié par la critique [1], cet ouvrage est pourtant précieux par ce qu’il nous apprend sur les idées du jeune révolutionnaire avant la proclamation de la République, particulièrement sur des sujets qu’il n’a plus abordés par la suite. Ainsi, le chapitre de l’Esprit de la Révolution et de la Constitution de France intitulé « Des Monuments publics » [2] est le seul texte de Saint-Just qui concerne les beaux-arts. Son étude nous apprendra quel rôle politique le futur Conventionnel assigne à la statuaire monumentale dans la France révolutionnaire. Nous nous intéresserons aussi dans cet article aux grands hommes que Saint-Just propose de célébrer par des monuments en examinant dans quelle mesure ses conceptions peuvent être considérées comme originales.
Voici le texte de ce court chapitre d'après l'édition de 1791, la seule parue du vivant de Saint-Just [3] :
« La piété publique doit aux grands hommes qui ne sont plus, quelle que soit leur patrie, des monuments qui les éternisent, et entretiennent dans le monde la passion des grandes choses. L’Europe moderne, assez policée pour estimer les bons génies, mais peu religieuse envers leur mémoire, persécute les hommes généreux quand ils vivent, et les laisse morts [4]. Cela vient des constitutions européennes, qui n’ont ni maximes ni vertu. Partout où je porte les yeux, je vois les statues des rois qui tiennent encore le sceptre d’airain. Je ne connais en Europe que trois monuments, dignes de la majesté humaine, ceux de Pierre Ier, de Frédéric et de Henri ; où sont les statues des d’Assas [5], des Montaigne, des Pope, des Rousseau, des Montesquieu, des Du Guesclin et de tant d’autres ? dans leurs livres et dans le cœur de cinq ou six hommes par génération.
J’ai toujours été surpris, en voyant les nations enchaînées aux pieds de Louis XIV, que l’Europe entière n’ait pas pris les armes pour exterminer la France, comme jadis se ligua la vertueuse antiquité pour chercher Hélène ravie.
L’Assemblée nationale a abattu ce lâche monument ; toutefois elle se garantit d’enthousiasme et laissa l’impérieux monarque exposé aux plaisanteries d’un peuple libre. On ne peut trop respecter les rois, mais on ne peut trop humilier les tyrans.
Je suis surpris que, dans le feu de la sédition, le peuple de Paris n’ait point jeté à bas ces insolents bronzes. C’est ici que se démêle l’esprit public de ce temps-là ; on ne haïssait point les rois.
J’ai vu le grand Henri ceint d’une écharpe aux trois couleurs ; les bons fédérés de province se décoiffaient devant lui ; on ne regardait pas les autres, mais on ne les insultait pas non plus.
La France vient enfin de décerner une statue à J.-J. Rousseau. Ah ! pourquoi ce grand homme est-il mort ? »
La réflexion de Saint-Just part du constat que les grands hommes n’ont pas de monuments dans l’espace public. Si, aujourd’hui, il est presque impossible de traverser une ville sans rencontrer de statues d’écrivains ou d’hommes politiques, ces monuments datent pour la plupart des premières décennies de la IIIe République au cours desquelles leur nombre crût de façon exponentielle [6]. Lorsque Saint-Just écrit l’Esprit de la Révolution et de la Constitution de France, on ne trouve à Paris que cinq monuments qui tous représentent des souverains français : la statue de Henri IV érigée en 1624 sur le pont Neuf ; la statue de Louis XIII, inaugurée en 1639 sur la place Royale, l’actuelle place des Vosges ; celle de Louis XIV élevée place Vendôme en 1699 ; une seconde statue du Roi Soleil édifiée place des Victoires en 1686 ayant pour spécificités de figurer le roi debout, et non à cheval, et d’avoir été commandée par un particulier, le duc de La Feuillade ; enfin le monument de Louis XV installé depuis 1763 sur la place éponyme [7]. Ces statues glorifiant la royauté furent abattues dans les jours qui suivirent l’assaut victorieux des Tuileries le 10 août 1792.
En 1791, lorsque paraît l’Esprit de la Révolution et de la Constitution de France, c'est dans toute la France que les monuments publics célèbrent des monarques ou, parfois, des membres de la famille royale. Saint-Just fait référence à cette réalité quand il écrit en italique, comme pour rendre le scandale plus évident : « Partout où je porte les yeux, je vois les statues des rois qui tiennent encore le sceptre d’airain ». Cette phrase ne saurait être lue comme un appel, précoce, à la destruction des statues des monarques. Pour la comprendre, il faut remarquer que l’expression « le sceptre d’airain » est une syllepse, figure de rhétorique consistant à utiliser ensemble sens propre et sens figuré. Ces statues de bronze ont en effet souvent en main, au sens propre, un « sceptre d’airain », airain étant le synonyme de bronze. Mais, au sens figuré, « le sceptre d’airain » désigne « l’inflexibilité de l’âme d’un tyran et le poids accablant de son règne » [8] : la condamnation qu’exprime cette phrase concerne donc seulement les statues des rois despotiques. C’est pourquoi, dans ce chapitre, Saint-Just considère positivement la statue de Henri IV alors que celle de Louis XIV place des Victoires est qualifiée de « lâche monument », selon le topos des premières années de la Révolution opposant le « bon roi Henri » à un Louis XIV dur au peuple afin de satisfaire sa soif de conquêtes.
En désaccord avec le choix de la monarchie de célébrer indifféremment les souverains, Saint-Just regrette aussi qu’elle n’ait pas installé dans l’espace public de statues de grands hommes. Pour lui, en effet, ce n’est pas aux détenteurs du pouvoir royal que des monuments publics doivent être bâtis mais aux individus s’étant distingués par leurs qualités éminentes et utiles au peuple. Pour cette raison, ce n’est pas en qualité de roi que Henri IV mérite son monument sur le Pont Neuf mais pour avoir été « grand » (Saint-Just l’appelle « le grand Henri ») en mettant fin aux guerres de religion, comme il l’explique dans un autre chapitre [9].
Lorsqu’il appelle la France révolutionnaire à élever des monuments publics aux grands hommes, le futur Conventionnel ne fait que reprendre une demande récurrente dans les milieux intellectuels depuis les années 1760 [10]. Jean-Jacques Rousseau avait même réclamé dès 1755, dans son Discours sur les sciences et les arts, des monuments aux défenseurs de la patrie et aux hommes vertueux. Les écrivains et les architectes qui militent pour la construction de ces monuments invoquent les précédents que sont les statues honorifiques de l’Antiquité gréco-romaine et quelques rares monuments modernes étrangers comme la statue d’Érasme à Rotterdam. Ces demandes eurent d’ailleurs un début de satisfaction puisqu’en 1775 Louis XVI passa une commande annuelle de sculptures des Grands Hommes de la France à l’instigation du directeur des général Bâtiments du Roi d’Angiviller. Cependant, ces statues n’étaient pas destinées à l’espace public mais à prendre place dans la Grande Galerie du Louvre.
Ainsi, le décret de l’Assemblée nationale du 29 décembre 1790 pour l’édification d’une statue de Rousseau [11] fut en France la première décision politique d’élever un monument public à un grand homme. Le caractère tardif de cet hommage au philosophe mort en 1778 explique que Saint-Just utilise l’adverbe « enfin » pour saluer le décret (« La France vient enfin de décerner une statue à J.-J. Rousseau »). Ce projet de statue n’aboutit pas, la souscription n’ayant pas réuni une somme suffisante, ce qui conduisit au printemps 1794 le Comité de salut public à organiser un concours pour élever au philosophe un monument sur des fonds publics [12]. L’échec de la souscription de 1790 pourrait indiquer que les monuments aux grands hommes n’intéressaient encore qu’un cercle limité d’intellectuels.
Examinons maintenant pourquoi Saint-Just considère que les monuments aux grands hommes sont nécessaires. Les raisons qu’il avance sont de deux ordres : immortaliser le souvenir de ces hommes exceptionnels (ces monuments les « éternisent », écrit-il joliment) et encourager l’émulation (ils « entretiennent dans le monde la passion des grandes choses »). Le complément « dans le monde » permet à Saint-Just de préciser que cette émulation concerne non seulement ceux qui verront ces monuments mais tous ceux qui, sur terre, auront connaissance de leur existence.
En assignant ces fonctions aux monuments publics, Saint-Just est d’accord avec ce qu’avancent depuis plusieurs décennies artistes et écrivains. Étienne Maurice Falconet écrit ainsi en 1761 dans ses Réflexions sur la sculpture : « Le but le plus digne de la sculpture en l’envisageant du côté moral, est de perpétuer la mémoire des hommes illustres, et de donner des modèles de vertu » [13]. Mopinot de La Chapotte donne des exemples de l’effet puissant produit par ces monuments dans une brochure de 1790 où il propose d’élever une statue à Louis XVI : « C’est la vue de la statue d’Alexandre le Grand qui échauffa l’ambition de César ; elle développa en lui des talents et des vertus qui l’ont placé au-dessus des héros qu’il voulut imiter. La statue de la ville de Gênes au maréchal de Richelieu son libérateur, a de même animé l’ambition du marquis de La Fayette ; il a passé les mers pour secourir un peuple prêt à perdre ce qui lui restait de liberté […] » [14].
Cependant, l’opinion de Saint-Just est originale par plusieurs de ses aspects. D’abord, par sa critique des « constitutions » (comprendre : les lois) de l’Europe qu’il accuse de n’avoir « ni maximes ni vertu » : ces défauts expliquent, selon lui, que ces pays n’aient pas élevé de monuments publics aux individus d’exception ayant rendu service à leur patrie. Une autre spécificité de ce chapitre est le lexique religieux qu’emploie le jeune révolutionnaire pour magnifier les grands hommes. Il déclare ainsi que leur élever des monuments relève de « la piété publique » et que les pays d’Europe, en ignorant ce devoir, se sont montrés « peu religieu[x] envers leur mémoire ». L’expression « majesté humaine », forgée à partir du syntagme chrétien « majesté divine » [15], lui permet aussi d’exprimer le profond respect qu’ils méritent. Enfin, l’accent mélancolique du passage dans lequel Saint-Just évoque le sort des grands hommes, maltraités de leur vivant puis oubliés après leur mort, est propre à cet auteur. On trouve des idées semblables dans des textes que le jeune Conventionnel écrivit peu de temps avant le coup d’État de Thermidor. Ainsi, l’affirmation selon laquelle « L’Europe […] persécute les hommes généreux quand ils vivent » rappelle le passage des Institutions républicaines déplorant les assassinats de Scipion, des Gracques et de Marat que conclut la sentence douloureuse « Les grands hommes ne meurent point dans leur lit » [16]. Quant à l’expression « hommes généreux » (« L’Europe […] persécute les hommes généreux… ») qui, dans ce chapitre de l’Esprit de la Révolution et de la Constitution de France est synonyme de « grands hommes », elle est utilisée dans le Discours du 9 Thermidor pour désigner Robespierre et, très probablement, Saint-Just lui-même : après avoir évoqué les mauvais traitements infligés à l’Incorruptible par le Comité de salut public, il écrit en effet qu’il a été « fait violence à la raison pour amener des hommes généreux au point de se défendre pour leur en faire un crime » [17].
Quelles sont les personnes auxquelles Saint-Just souhaite en 1791 élever des monuments ? Il propose six noms – d’Assas, Montaigne, Pope, Rousseau, Montesquieu et Du Guesclin – mais signale que ceux qui méritent cet honneur sont beaucoup plus nombreux : les mots « et de tant d’autres » laissent même penser que Saint-Just n’a pas sélectionné les noms des personnalités qu’il énumère mais qu’il a noté les premiers lui étant venus à l’esprit. Bien qu’elle ne soit pas exhaustive, cette liste apporte des informations sur les critères qui, selon le jeune révolutionnaire, donnent droit au statut de grand homme. Une première catégorie est constituée d’écrivains avec Montaigne, Pope, Rousseau et Montesquieu. D’après cette liste, la seule autre activité donnant droit au statut de grand homme est la guerre, Du Guesclin et le chevalier d’Assas étant des militaires. Il semble que Saint-Just ait volontairement mis sur le même plan le maréchal de France Du Guesclin et l’officier subalterne qu’était le capitaine d’Assas, qui s’était sacrifié durant la guerre de Sept Ans en avertissant son unité de la présence d’ennemis. Si ce choix égalitaire est remarquable, il s’inscrit dans la tendance apparue pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle consistant à exalter les actes de bravoure des soldats du rang ou peu gradés [18]. Le fait que le premier nom de grand homme que le futur Conventionnel énumère soit d’Assas semble marquer, de la part de Saint-Just, une préférence que pourrait expliquer par un intérêt familial pour la guerre de Sept Ans durant laquelle le père de Saint-Just avait servi en tant que brigadier puis maréchal des logis de la compagnie de gendarmerie du duc de Berry. L’expression « hommes généreux » que Saint-Just utilise dans les lignes précédentes, parce qu’elle insiste sur l’altruisme et le courage, convient d’ailleurs mieux à D’Assas qu’aux autres grands hommes qu’il cite dans le chapitre.
Comme la plupart de ses contemporains [19], Saint-Just demande que les monuments des grands hommes soient édifiés quand ils « ne sont plus », pour éviter qu’une action ultérieure de leur part ne fasse regretter de les leur avoir bâtis. On aura également remarqué que ces grands hommes appartiennent aussi bien à la période contemporaine (Pope est mort en 1744, Montesquieu en 1755, d’Assas en 1760, Rousseau en 1778) qu’à des époques plus anciennes, comme Montaigne (1533-1592) et Du Guesclin (1320 environ-1380). La présence du nom de ce dernier en fin de liste pourrait correspondre au souhait de ne pas omettre la période historique à laquelle Saint-Just s’était intéressé dans son adolescence, lorsqu’il rédigeait l’Histoire du château de Coucy.
Les grands hommes énumérés par Saint-Just ne sont pas exclusivement français puisqu’il mentionne dans sa liste le Genevois Jean-Jacques Rousseau et l’Anglais Alexander Pope, conformément au principe qu’il a posé au début de son chapitre : les monuments publics sont dus aux grands hommes « quelle que soit leur patrie ». Le projet saint-justien de statues à des étrangers contraste avec la commande royale des Grands Hommes de la France mais aussi avec le programme de monuments publics essentiellement nationaliste de la Troisième République. Cette prise de position universaliste trouvera un écho en 1793 dans l’article de son Essai de Constitution prévoyant que « Le peuple français […] offre un asile aux grands hommes, aux vertus malheureuses de tous les pays » [20].
J’ai me suis encore demandé si Saint-Just faisait preuve d’originalité dans le choix des noms qu’il avance pour des monuments publics. La statue de Rousseau, nous l’avons vu, faisait l’objet d’une souscription quand Saint-Just écrivait l’Esprit de la Révolution et de la Constitution de France. Le choix de Montesquieu pour un monument honorifique était lui aussi une évidence, comme le montre le fait qu’en 1783 sa statue ait été réalisée en marbre par Clodion pour la série des Grands Hommes de la France. Il en allait de même pour le monument de Du Guesclin, le comte d’Angiviller ayant commandé avant la Révolution une statue du connétable qui ne fut achevée qu’en 1799. Le projet d’élever un monument à Montaigne n’était sans doute pas plus original puisque, quelques années plus tard, le Directoire commanda une statue de l’auteur des Essais.
La mort héroïque de D’Assas ne donna lieu à une statue monumentale qu’en 1830 ; encore ne dut-elle son existence qu’à une commande départementale destinée à orner la commune du Vigan d’où était originaire la famille du chevalier. Lorsque Saint-Just écrit son livre, le sacrifice de D’Assas n’était célébré que par des œuvres plus modestes comme les gravures de Jean Baptiste Simonet et de Pierre Laurent. Le souhait de Saint-Just d’élever une statue à d’Assas est donc moins attendu que les propositions de monuments que nous avons examinées précédemment, mais il n’est pas pour autant audacieux car dans les années 1780, plusieurs auteurs [21] avaient déjà fait la demande d’un monument pour D’Assas.
Ainsi, le seul monument pour lequel Saint-Just se montre véritablement original est celui de Pope. Moins connu désormais que les poètes romantiques qui lui ont succédé, Alexander Pope (1688-1744) est considéré comme le plus grand poète britannique de la première moitié du XVIIIe siècle. Son succès dépassa largement les frontières du Royaume-Uni et, en France, il fut lu et parfois commenté par Voltaire, Montesquieu, Diderot et Rousseau. Des traductions des livres de Pope furent rapidement disponibles en français puis, à partir des années 1740, des compilations regroupant les meilleurs extraits de ses ouvrages. Ces éditions s’étant écoulées rapidement, une édition de ses Œuvres complètes fut publiée en France en 1779 [22]. Comme aucun ouvrage de Pope n’est mentionné dans l’inventaire de sa bibliothèque parisienne [23], il est impossible de savoir lesquels de ses livres appréciait le futur Conventionnel, et s’il était plus sensible aux vers lyriques de l’Ode à la solitude et de l’Épître d’Héloïse à Abélard, aux raisonnements philosophiques de l’Essai sur l’homme, à la veine satirique du Rapt de la boucle et de La Dunciade ou aux sentences mordantes et désabusées réunies dans des recueils de Maximes et réflexions morales [24]. Robespierre possédant dans sa bibliothèque l’Essai sur l’homme [25], on serait tenté de supposer que Saint-Just avait une prédilection pour le même ouvrage. Mais ce serait conclure trop hâtivement, d’autant plus que l’épopée héroïcomique Organt a été écrite dans un esprit proche de celui de La Dunciade… Ce chapitre de l’Esprit de la Révolution et de la Constitution de France invite ainsi à étudier l’influence de l’œuvre de Pope sur les écrits de Saint-Just, ce qui n’a pas été fait jusqu’ici. Il confirme par ailleurs l’intérêt du jeune révolutionnaire pour l’Angleterre et ses écrivains que nous avait indiqué l’inventaire de sa bibliothèque [26].
[1] La première partie de mon article « Saint-Just politique ou mystique ? Le problème de la croyance en la République dans la pensée du Conventionnel » (à lire ici) porte sur l’Esprit de la Révolution et de la Constitution de France On trouvera sur ce blog deux autre articles consacrés à l’Esprit de la Révolution et de la Constitution de France, l’un sur sa datation et l’autre sur sa réception à sa parution.
[2] Esprit de la Révolution et de la Constitution de France, neuvième chapitre de la cinquième partie, p. 159-160.
[3] La ponctuation et la typographie originales ont été conservées. L’orthographe a été modernisée.
[4] Formulation elliptique. Il faut comprendre : quand ils sont morts.
[5] Saint-Just écrit « Dassas » et, plus loin, « Duguesclin ».
[6] Ce site consacré à la statuaire monumentale parisienne indique que ce sont près de cent cinquante monuments qui furent installés dans les jardins et sur les places de la capitale entre 1870 et 1914, contre vingt-six entre 1815 et 1870.
[7] L’actuelle place de la Concorde à laquelle j’ai consacré un article. On peut ajouter à cette liste la fontaine des Quatre-Saisons achevée en 1745 en l’honneur de Louis XV.
[8] Mathieu Andrieux, Préceptes d’éloquence extraits des meilleurs auteurs, Paris, Didier, 1838, p. 423.
[9] Esprit de la Révolution et de la Constitution de France, quatrième partie, chapitre III.
[10] Dans le développement qui suit, je résume les conclusions de l’article d’Edouard Pommier, « L’invention du monument aux grands hommes (XVIIIe siècle) » (in Le Culte des grands hommes au XVIIIe siècle. Troisièmes entretiens de la Garenne Lemot, Nantes, Université de Nantes, 1998, p. 7-23).
[11] L’article 1er de ce décret porte : « Il sera élevé à l’auteur d’Émile et du Contrat social une statue portant cette inscription "La nation française libre, à Jean-Jacques Rousseau" ; sur le piédestal sera gravé la devise : Vitam impedere vero. » (Archives parlementaires, tome 21, p. 620 ; le deuxième article prévoyait le versement d’une pension annuelle à Thérèse Levasseur). On a supposé que cette statue aurait été installée sur une place de Paris. Toutefois, le décret de l’Assemblée ne l’indique pas explicitement.
[12] L’arrêté du 25 avril 1794 (6 floréal an II) était conçu en ces termes : « Le Comité de salut public, en exécution du décret de l’Assemblée constituante qui décerne une statue de bronze à J.-J. Rousseau, appelle tous les artistes de la République à concourir pour ce moment, qui sera placé dans un Champs-Élysées. Le concours sera terminé le 10 prairial. Les ouvrages des concours sont exposés pendant cinq jours dans la salle de la Liberté, dans le lieu des séances de la Convention nationale, et transportés ensuite de la salle du Laocoon, pour être jugés par le jury des arts dans la décade suivante. » (Archives parlementaires, tome 89, p. 347). Si des modèles furent proposés par les artistes, le monument ne vit pas le jour.
[13] Cité d’après Jean-Claude Bonnet, « Diderot et Falconet : le cavalier de bronze et la pyramide », in L’Homme des Lumières de Paris à Pétersbourg, sous la direction de Philippe Roger, Vivarium, Napoli, 1995, p. 54.
[14] Antoine-Rigobert Mopinot de La Chapotte, Proposition d’un monument à élever dans la capitale de la France pour transmettre aux races futures l’époque de l’heureuse révolution qui l’a revivifiée sous le règne de Louis XVI, Paris, Laurens junior, 1790, p. 10-11. L’anecdote sur le jeune César se trouve dans Suétone (Vie de Jules César). Sur la statue de Louis François Armand de Vignerot du Plessis de Richelieu, on pourra consulter cette page du site du musée du Louvre.
[15] D’après une recherche dans la banque de données de Google Livres, l’expression « majesté humaine » n’est employé au XVIIIe siècle que dans « crime de lèse-majesté humaine » qui appartient au lexique du droit. Le terme majesté sera de nouveau détourné par Saint-Just de ses usages habituels après son élection à la Convention : il parlera ainsi de la « majesté du peuple » (26 décembre 1792, second discours sur le procès de Louis XVI) et, s’adressant à ses collègues, du « degré de majesté où vous a placés le peuple » (rapport du 15 germinal an II sur les moyens de faire respecter l’autorité).
[16] Saint-Just, Rendre le peuple heureux, Paris, La Fabrique, 2013, p. 51-52.
[17] Souligné par moi. Il est possible de considérer que, dans cette phrase, les « hommes généreux » désigne par synecdoque le seul Robespierre, mais plusieurs phrases des Institutions républicaines (notamment celle où il parle du « dessein généreux » qui fut le sien en rédigeant ce texte) font penser que Saint-Just pensait également à son propre rôle dans la Révolution.
[18] Cf. André Corvisier, « Les "héros subalternes" dans la littérature du milieu du XVIIIe siècle et la réhabilitation du militaire », Revue du Nord, 1984, p. 827-838.
[19] Mopinot de La Chapotte, nous l’avons vu, faisait exception puisqu’il demandait en 1790 un monument à Louis XVI.
[20] Seconde partie, chapitre 9, article 1er. L’article 120 de la Constitution de 1793 inspiré du texte de Saint-Just indique : que le peuple français « donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté ».
[21] Ainsi, le dramaturge Jean-Paul-André Razins de Saint-Marc qui, dans un poème édité en 1781, s’exclame en des vers assez faibles : « Chère patrie, objet d’un juste dévouement, / Faut-il attendre en vain qu’un pompeux monument / S’élève, et reproduise à la race future / De ce jeune héros l’incroyable aventure ? » (Œuvres de Monsieur de Saint-Marc, Paris, Imprimerie de Monsieur, 1781, tome I, p. 74).
[22] Cette édition en huit tomes, illustrée de gravures, parut chez la veuve Duchesne à Paris.
[23] Cf. mon article « La bibliothèque de Saint-Just en Thermidor. Catalogue détaillé », in L’Éloquence de Saint-Just à la Convention nationale. Un sublime moderne, Paris, Honoré Champion, 2020, p. 443-480.
[24] On pourra en lire une sélection à cette adresse.
[25] Fabienne Ratineau, « Les livres de Robespierre au 9 Thermidor », Annales historiques de la Révolution française, n° 287, 1992, p. 132.
[26] Saint-Just avait en Thermidor an II dans sa bibliothèque la Constitution de l’Angleterre de Jean-Louis de Lolme, les trois tomes de La Vie d’Olivier Cromwell par Gregorio Leti, les Œuvres posthumes de l’homme politique William Temple éditées par son secrétaire Jonathan Swift et la compilation intitulée Le Génie de M. Hume, ou Analyse de ses ouvrages, dans laquelle on pourra prendre une idée exacte des mœurs, des usages, des coutumes, des lois, et du gouvernement du peuple anglais.